
Thierry Delamare (à g.) et Daniel Bayart ont proposé aux habitants de leurs communes de s’exprimer via un cahier ou des courriers de doléances. (©La Dépêche de Louviers – TG)
« Les causes de ce tumulte ne datent pas d’aujourd’hui. » C’est le constat de l’AMF, l’Association des maires de France, tirant les leçons du mouvement des gilets jaunes. Ainsi a-t-elle suggéré aux édiles, début décembre, de « donner la possibilité aux citoyens d’exprimer leur opinion, qu’ils se reconnaissent ou non dans la mobilisation des mouvements plus ou moins organisés ».
Dans l’agglomération Seine-Eure, au moins trois maires ont entendu l’appel de l’AMF : François-Xavier Priollaud (UDI), Thierry Delamare (SE) et Daniel Bayart (PS), respectivement maires de Louviers, Criquebeuf-sur-Seine et Le Manoir. Depuis plus de deux semaines, chacune des trois communes a mis en place le recueil de doléances, soit sur un cahier soit par courrier.
« Écrire ce qu’ils ont sur le cœur »
Le premier magistrat lovérien trouve l’échelle municipale pertinente pour organiser ce genre de débat.
Nous appelons ça plutôt le cahier des citoyens. Les habitants viennent écrire ce qu’ils ont sur le cœur ou des propositions », commente François-Xavier Priollaud.
Quand la radio a annoncé que des cahiers étaient ouverts dans les mairies, j’ai immédiatement mis en place l’annonce sur le site Internet de la commune », déclare de son côté Thierry Delamare.
Aucun maire n’a reçu de consigne particulière sur l’organisation de ce recueil de doléances. Daniel Bayart n’a, pour sa part, pas souhaité ouvrir de permanence. Il a simplement invité ses administrés, via le site Internet de la commune, à envoyer des courriers en mairie.
J’ai expliqué ma démarche à un gilet jaune du Manoir qui m’a demandé un rendez-vous. Pour lui, les habitants n’ayant pas tous Internet, tout le monde n’aurait pas l’information. Du coup, il s’est porté volontaire pour distribuer nos feuilles dans les 550 boîtes à lettres.
Faible participation
Résultat au Manoir : huit lettres seulement sont arrivées entre les mains du maire.
C’est malheureux de dire ça, mais il n’y a pas beaucoup de gens. Et je ne suis pas étonné en voyant ceux qui l’ont fait. Ce sont plus des coups de gueule. Les gens les plus en difficultés ne sont pas venus me transmettre un courrier.
À Louviers, François-Xavier Priollaud estime qu’il est trop tôt pour tirer un bilan de la démarche.
Les Criquebeuviens ne sont pas nombreux à s’être manifestés non plus : deux. Thierry Delamare fait la comparaison avec l’affluence aux réunions publiques pour le plan local d’urbanisme intercommunal :
On a compté 1 057 personnes sur une population de 7 400 habitants malgré les informations passées dans les bulletins municipaux et dans la presse. Pour le cahier de doléances, je me serais attendu à plus de gens en quinze jours. Les gens se méfient des élites et des élus. Mais quand on leur donne la parole, on a l’impression qu’ils nous font confiance à 90 ou 100 %.
Des propositions de réformes
Parmi les signataires, un habitant anonyme, à Criquebeuf, réclame la démission du gouvernement. D’autres lettres sont signées plus distinctement. On y trouve les revendications apparaissant fréquemment dans les médias : la baisse des taxes, le RIC (référendum d’initiative citoyenne), la baisse des charges pour les entreprises et les artisans, le retour de la CSG pour les retraités… « Le deuxième fait aussi des propositions de réformes », ajoute Thierry Delamare.
Les cahiers et courriers de doléances seront remis entre les mains de la Commission nationale du débat public (CNDP). Celle-ci commencera une synthèse au milieu de janvier et la communiquera tant au gouvernement qu’aux médias. « Il y aura du tri à faire si beaucoup de gens s’expriment », sourit le premier magistrat criquebeuvien.
Des préoccupations communales ?
Cela n’empêche pas les municipalités de prendre leurs responsabilités.
Certaines préoccupations concernent l’État, mais il y en a sûrement qui concernent les Régions, les Départements, les intercommunalités et les communes », poursuit le maire de Criquebeuf, prêt à prendre sa part.
« Les gilets jaunes ne sont pas contre les villes, mais on va regarder ce qu’on peut faire en tant que ville pour augmenter le pouvoir d’achat », assure par exemple François-Xavier Priollaud. Le maire de Louviers se donne trois mois pour réfléchir à des actions locales. Il se dit prêt à proposer « un débat de restitution au Moulin vers le printemps ».
Le maire centriste veut tirer le meilleur parti de cette initiative, « farouche partisan de la démocratie représentative ». Delà à donner une nouvelle jeunesse à la démocratie, personne ne se prononce vraiment. Pour Thierry Delamare, le temps fera son œuvre :
On verra s’il y a de nouvelles listes aux européennes et aux élections municipales !