
Jean-Claude Romand. (©DR)
La nouvelle est tombée vendredi en début d’après-midi par un simple communiqué du Parquet de Châteauroux (Indre).
« En dépit de son parcours d’exécution de peine satisfaisant, les éléments du projet présenté et de la personnalité de Jean-Claude Romand ne permettent pas, en l’état, d’assurer un juste équilibre entre le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et de la réinsertion du condamné. Le Tribunal de l’application des peines (TAP) de Châteauroux a donc décidé de rejeter la demande de libération conditionnelle déposée par M. Jean-Claude Romand », a indiqué la procureure de la République, Stéphanie Aouine.
Jean-Claude Romand a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1996 assortie d’une peine de sûreté de 22 ans pour avoir tué 5 membres de sa famille. Il présentait sa première demande de libération conditionnelle alors qu’il aurait pu en déposer une dès 2015. Il reste donc incarcéré à la maison centrale de Saint-Maur et il a dix jours pour faire appel de la décision du TAP…
Lors de la demande présentée le 20 novembre et réexaminée le 31 janvier dernier le ministère public avait demandé le rejet de cette requête. Laure Moureu, l’avocate des deux frères de l’épouse assassinée Florence Romand, s’est déclarée « satisfaite » de cette décision qui s’imposait selon elle. « C’est pour mes clients un grand soulagement, une grande satisfaction », a-t-elle déclaré à l’AFP.
« Comme nous n’avions pas cessé de le dire, nous estimions que le projet n’était pas suffisamment abouti et qu’il n’y avait pas assez de garanties pour permettre un élargissement serein ».
Elle a évoqué ses doutes « sur une personnalité qui reste troublante ». Une analyse qui rejoint celle du frère de l’épouse assassinée Emmanuel Crolet qui avait dénoncé le 11 janvier sur France bleu Pays de Savoie, « celui qui manipule le système pour arriver à ses fins. Il l’a fait il y a vingt-cinq ans, il recommence. »
Pas de dangerosité criminologique
Pourtant, les experts qui ont produit des rapports sur Romand n’ont pas constaté de dangerosité criminologique. Et le parcours pénal du Jurassien a été jugé « exemplaire » par l’administration pénitentiaire. Durant son incarcération, il a mené une formation d’ingénieur du son et appris un métier en restaurant des archives sonores pour l’Institut national de l’audiovisuel.
Les psychiatres qui l’avaient observé à la maison d’arrêt de Bourg-en-Bresse avaient souligné que Jean-Claude Romand paraissait avoir trouvé (en prison) « une certaine rédemption mystique qui l’aide à assumer sa culpabilité et la réalité de son procès ». Détenu solitaire et modèle, il vit dans une cellule remplie d’images pieuses.
Soupçons de duplicité
Son dossier de réinsertion présentait également un hébergement et une promesse d’embauche… Mais la question sous-jacente, elle, n’a pas été résolue aux yeux de la justice : a-t-il vraiment changé ? Ou s’est-il, au contraire, réinventé une nouvelle personnalité passe-partout suspecte car trop lisse ?
Pour le psychiatre criminologue et expert auprès des tribunaux Daniel Settelen qui avait co-mené la dernière expertise de Romand avant qu’il ne soit jugé par les Assises de l’Ain en 1996, le battage médiatique a joué un rôle dans la décision des trois juges : « Sur le pur plan de la légalité, Jean-Claude Romand a fait ses 22 ans incompressibles, il en est à la 26e année, il est resté 25 ans en prison et a le droit de demander sa sortie », souligne le psychiatre, interrogé par France Info. Pour lui les magistrats ont tenu compte de « la peur sociale, les fantasmes qui tournent autour ». Or, pour le psychiatre, « ce genre de personnage ne récidive jamais. » Il rappelle que Jean-Claude Romand a tué cinq personnes « en 48 heures. Les gens qui ont fait un ‘pétage de plombs’ ne sont plus eux-mêmes pendant un temps très court de passage à l’acte. Quand ils se réveillent, tous, tous, tous, se suicident ou font une tentative de suicide. Jean-Claude Romand a fait une semaine de coma. Il n’y a aucune raison que la même situation se reproduise », conclut l’expert.
Son avocat envisage de faire appel
« Profondément déçu » Me Jean-Louis Abad, l’avocat de Jean-Claude Romand, a estimé sur Europe 1 que rien ne justifie que le Tribunal rejette la libération conditionnelle avec bracelet électronique que Romand envisageait. « Il voulait intégrer une communauté religieuse. On lui a dit vous ne pouvez pas adhérer à la communauté d’Emmaüs car c’est une communauté fragile. On lui a proposé autre chose. Ce n’est pas Romand qui a trouvé autre chose. Et le tribunal lui fait grief d’avoir subi cette modification, de l’avoir acceptée. Le tribunal lui demande ce qu’il voulait. Et bien Romand voulait intégrer une communauté religieuse, dans une période qui pouvait représenter un sas, et puis intégrer la communauté d’Emmaüs dans un second temps. Ces deux projets ne sont pas antinomiques mais complémentaires. Le tribunal a considéré que ce n’était pas le cas et c’est ce que je critique ». Il envisage désormais de faire appel…