
Thomas Lesourd et Noémie Moutel ont contribué à traduire le rapport du Giec. (©Le Pays d’Auge)
Début février 2019, les députés luxembourgeois sont interpellés par Brice Montagne, un jeune militant écologiste, concernant le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) :
J’ai une question pour vous : qui a lu ce rapport ? Pas des extraits, pas des coupures de presse. Qui a lu ce rapport destiné à des femmes et des hommes politiques ?
Qui a lu le rapport du GIEC ? La réponse est inquiétante. Certain.e.s disent avoir mal compris car ils utilisent plutôt le terme IPCC, alors reposons la question. Parlementaires avez-vous lu le rapport du GIEC ? @NaomiAKlein @Wort_LU @reporter_lu pic.twitter.com/2Lzm7dNkLo
— Brice Montagne (@brice_montagne) February 6, 2019
Dans l’assistance, personne ne semble avoir jeté un coup d’œil sur ce texte de 32 pages. Ce rapport spécial approuvé le 8 octobre 2018, à Incheon, en Corée du Sud, aborde les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré par rapport à la période pré-industrielle
Une traduction citoyenne
Cette vidéo de Brice Montagne, largement diffusée sur les réseaux sociaux et les médias, Thomas Lesourd l’a vue lui aussi. « Je me suis rendu compte que moi non plus je n’avais jamais eu l’idée de poser les yeux sur ce rapport. »
Cet artiste de Trouville-sur-Mer et membre de l’association Off courts décide alors de télécharger le rapport en question. « C’était une quête plus ardue que prévue », sourit-il. En cherchant, il tombe d’abord sur un rapport simplifié en anglais. Et continue à chercher une version en français. Et il ne la trouvera pas « car elle n’existe pas ».
Il tombe alors à nouveau sur une autre vidéo de Brice Montagne. « Il faisait appel aux citoyens pour participer à une traduction d’initiative citoyenne ». Une quinzaine de citoyens se mettent à travailler ensemble, virtuellement.
Le rapport du GIEC n'existe qu'en anglais ? Qu'à cela ne tienne traduisons le nous même ! Une idée géniale suggérée par Eva Girodon. Bravo et merci à elle !!
Publiée par Brice Montagne sur Vendredi 15 février 2019
Au terme de deux semaines de travail collectif, leur version traduite en français a été mise en ligne sur une page wikisource. Leur initiative a été saluée notamment par Valérie Masson-Delmote, présidente du groupe du Giec.
Merci à tous ceux qui ont contribué à la traduction française du #SR15 https://t.co/2wr1MTtuy4 . Les traductions officielles #GIEC en arabe, chinois, français, russe et espagnol sortiront dans les prochaines semaines. Nous effectuons les dernières vérifications.
— IPCC (@IPCC_CH) March 5, 2019
Un outil de débat pour tous
Thomas Lesourd questionne :
Pourquoi, à l’heure du grand débat, ce document n’a-t-il pas été traduit par l’État français lui-même ? Le budget annuel du Giec s’élève à 6 millions d’euros et la France y contribue généreusement à hauteur d’un million d’euros par an jusqu’en 2022. C’est drôle qu’on n’ait pas assez d’argent pour payer un traducteur. Quand un rapport nous indique une montée des eaux d’un mètre à long terme, il semble par exemple évident qu’une municipalité comme Trouville et ses acteurs devraient être plus clairement informés et accompagnés.
Noémie Moutel, de l’université de Caen-Normandie qui travaille sur les relations entre sciences dures et sciences humaines, et qui a accompagné Thomas Lesourd, résume :
Ce document explique les trajectoires d’émission de gaz à effet de serre, les différents scénarios possibles, les conséquences, les risques associés en insistant que ce sont des effets systémiques. Il propose des pistes d’organisation sociale pour travailler à l’adaptation et à l’atténuation du réchauffement climatique.
Pour lire la traduction du rapport, c’est par ici.