
Stéphane Linou, premier locavore de France, craint des émeutes en cas de pénurie alimentaire. (©Actu.fr/XT)
Conseiller municipal à Castelnaudary et ancien conseiller général de l’Aude de 2011 à 2015, Stéphane Linou est le premier en France à avoir mené une expérience de locavore. En 2008, cet habitant du Lauragais s’était uniquement nourri, pendant un an, d’aliments produits à moins de 150 kilomètres de chez lui.
À l’époque, Stéphane Linou avait voulu alerter, via le prisme de l’alimentation, sur la nécessité de mettre en place des actions assurant la sécurité globale des territoires. Une idée que l’on retrouve aujourd’hui au cœur des théories de l’effondrement de notre civilisation, de plus en plus développées par ceux que l’on nomme les collapsologues. Stéphane Linou précise :
À travers mes travaux de l’époque, que ce soit la création des premières Amap dans l’Aude en 2004 ou bien mon expérience de locavore, j’avais déjà engagée la réflexion autour des théories de l’effondrement. Même si je n’utilisais pas ce mot à ce moment-là, l’idée était la même.
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Le premier locavore de France a ensuite poursuivi sa réflexion en mettant ses convictions sur le sujet au cœur de ses programmes pour les élections cantonales de 2011 et de 2015 :
En 2011, le député Yves Cochet avait écrit une bafouille dans mon programme pour expliquer que mes travaux de locavore étaient repris à l’Assemblée nationale. En 2015, je parlais déjà du risque d’effondrement et de l’obligation d’avoir des élus capables de travailler ensemble pour mettre en place des actions visant à augmenter la résilience des territoires.
« Prendre le mur le moins vite possible »
Depuis quelques mois, Stéphane Linou a eu l’occasion de donner un nouvel élan à ses travaux sur le sujet, après avoir repris ses études en parallèle de son travail, dans le cadre d’un Mastère spécialisé en gestion des risques sur les territoires au sein de l’École internationale des sciences du traitement de l’information (EISTI) à Cergy-Pontoise.
J’ai eu l’occasion de parler de mes travaux avec mes profs et à l’issue de ces discussions, l’idée leur est venue de faire évoluer ce master spécialisé en prenant en compte les hypothèses sur l’effondrement systémique de nos sociétés mais aussi en évoquant les actions à mettre en place pour préparer cet effondrement. Aujourd’hui, le coup est parti et nous allons droit dans le mur. Mais à le prendre en pleine figure, autant que ce soit le moins vite possible et avoir des pistes pour nous adapter et limiter la casse… Ils m’ont donc demandé de plancher sur un module de formation expérimental reprenant ce que je dis et m’ont donné carte blanche.
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L’ancien conseiller général a très vite mis au point l’architecture de ce module de formation, en s’appuyant notamment sur ces travaux réalisés depuis de nombreuses années :
Le squelette de la formation s’est imposé de lui-même, articulé autour d’un trépied consistant à lier le monde des ressources donc de l’écologie, le monde de l’ordre public et le monde de la gouvernance. Et comme on était sur une expérience innovante, je voulais des tronches, reconnues dans leurs métiers, pour incarner ce que je disais.
Des intervenants prestigieux pendant trois jours
Les 29 et 30 novembre et le 1er décembre 2018, ce module de formation a été enseigné devant les étudiants de deux mastères spécialisés en gestion des risques sur les territoires et en analyse systémique et intelligence économique.
Pendant 120 heures de conférences, différents intervenants se sont succédé comme Yves Cochet, ancien député écologiste, Pablo Servigne, l’un des grands manitous de la théorie de l’effondrement, un général de gendarmerie venu évoquer les liens entre ressources et ordre public, Anne Sophie Novel, journaliste spécialisée dans le domaine de l’écologie ou encore un haut fonctionnaire du ministère de la transition économique et solidaire.
Il veut pérenniser et généraliser l’enseignement de cette formation
Stéphane Linou espère désormais que ce module de formation devienne pérenne et soit enseigné dans un cadre beaucoup plus large à l’avenir, des grandes écoles aux agences d’urbanisme en passant par les administrations et les élus :
Ce n’est pas du pessimisme. Il s’agit d’oser dire la vérité, car ça n’ira certainement pas mieux si on ne sait pas à quoi l’on est vraiment confronté. Il serait irresponsable de faire croire qu’en éteignant chacun la lumière on va inverser le processus. Ce qu’il faut c’est une approche collective pour limiter la casse et faire travailler tous les publics ensemble pour mettre en place des actions préventives et une stratégie d’adaptation. C’est une articulation novatrice mais qui découle selon moi du bon sens élémentaire.
L’élu de Castelnaudary peut déjà se satisfaire d’avoir vu l’enseignement de ce premier module de formation traitant de l’effondrement du système faire l’objet de plusieurs références dans la presse nationale (Le Parisien, Le Monde…) mais aussi étrangère avec notamment un article consacré au sujet paru dans The Sunday Times.