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EXCLUSIF. Didier Camberabero : "Je ferais l’impasse sur la prochaine Coupe du monde"

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Didier Camberabero s'est confié à Actu Rugby sur l'état actuel du XV de France. C'est sans concession...

Didier Camberabero s’est confié à Actu Rugby sur l’état actuel du XV de France. C’est sans concession… (©Icon Sport)

Didier, vous-vous êtes exprimé durement sur les réseaux sociaux en début de Tournoi après la claque reçue en Angleterre. Votre avis a-t-il évolué ? 

Didier CAMBERABERO : Non. Pour moi, le gros problème, c’est qu’on n’est jamais au fond du seau complètement si on écoute l’équipe de France. Il y a toujours un match qui nous fait dire : « On n’est pas loin », parce qu’on fait un résultat. Et c’est un drame.

C’est pourtant le discours tenu par les Bleus après la victoire contre l’Écosse…

D.C : C’est très bien ce que les Bleus ont fait contre l’Écosse. Mais il faut relativiser ! L’Écosse, il leur manquait quatre joueurs clés. Les quatre stars ne jouaient pas. Et il faut relativiser ce genre de chose, sauf que nous, on ne relativise pas. L’an dernier, tout allait bien parce qu’on a gagné l’Angleterre. L’Angleterre qui termine 5e du tournoi. Fantastique, on était champions du monde ! Tout va bien, on n’est vraiment pas loin. Non, tout ne va pas bien. Il est là, le problème. C’est beaucoup plus profond que ce que l’on croit. Et j’ai l’impression qu’il faudrait être au fond du seau pour s’en rendre compte. J’ai entendu un joueur après l’Irlande, je ne dirai pas son nom car j’ai envie de me fâcher avec personne : « Vous comprenez, dès qu’on a commencé à jouer à vingt minutes de la fin, on n’est pas loin d’eux ». Mais ne dit pas ça ! Les Irlandais sont à quatre essais à zéro, ils ont sorti six titulaires, ils ont le bonus offensif… Qu’est-ce qu’il s’en foutent de gagner avec un essai de plus ou de moins ? Ils ne défendent plus, ils ne se déplacent plus. Et nous, on a joué cinq minutes. 

Est-ce que l’équipe de France est dans le déni selon vous ?

D.C : Oui. Il faut arrêter de se voiler la face. On est déjà au fond du seau. Et il faut tout recommencer à zéro, de A à Z. La formation, c’est en cours. Mais après malheureusement, il y a le Top 14 qui fait que le style de jeu est restrictif au possible. Il y a peut-être quatre, cinq clubs qui s’en sortent et c’est tout. Et après quand on arrive en équipe nationale, on joue contre l’Irlande qui est capable de faire 37 temps de jeu sous la pluie sans faire tomber le ballon. Et bien le ballon on ne le voit pas pendant près d’une heure.

Lire aussi : XV de France. Le tacle de Didier Camberabero à Bernard Laporte

Quels problèmes ciblez-vous actuellement au sein du rugby français ?

D.C : Tout est à faire, et on a les joueurs pour le faire. Mais il faut le faire toute l’année. Que ce soit la Nouvelle-Zélande, le pays de Galles, l’Irlande… ils jouent toute l’année avec le même schéma de jeu. Ils ne posent jamais de questions, tous savent ce qu’ils ont à faire. C’est huilé, et ça ne peut que marcher. Nous, on se pose des questions car un coup on joue devant, un coup derrière, un coup on défend bien, un coup on ne défend pas bien. À un moment donné, rien ne va ensemble. Je trouve qu’il n’y a pas de projet sur le long terme. On fait du coup par coup. 

Nous, dès qu’on perd un match, on change les joueurs. Puis on perd à nouveau et on reprend ceux que l’on a virés il y a un mois. Il faut arrêter les conneries

Quelles solutions préconisez-vous ?

D.C : Franchement, si j’étais responsable d’une équipe dans un tel état, je ferais l’impasse sur la prochaine Coupe du monde. Et je le dis haut et fort ! Je fais jouer le même groupe pendant trois ou quatre ans. Je ne les change pas. Et dans trois ou quatre ans, quand ils auront tous cinquante sélections, et là on va voir quelque chose. Déjà le petit Ntamack : il commence trois-quarts centre, on perd, il ne joue plus. Ensuite, il revient dix. Mais à un moment il faut arrêter de changer les mecs. On va encore arriver à la Coupe du monde en étant la seule équipe qui ne va connaître ses titulaires en neuf, en dix, en quinze. C’est incroyable. Quand je regarde l’Irlande, ils ont tous au moins 50 sélections, et ça fait trois ans que ça ne bouge pas. Nous, dès qu’on perd un match, on change les joueurs. Puis on perd à nouveau et on reprend ceux que l’on a virés il y a un mois. Il faut arrêter les conneries. Et ça, il n’y a aucun entraîneur qui a fait différemment. 

Didier Camberabero en 1993 sous le maillot du XV de France.

Didier Camberabero en 1993 sous le maillot du XV de France. (©Icon Sport)

Ensuite ?

D.C : Moi j’aimerais que l’on se rappelle ce qu’on fait les Anglais en 2003 avec Wilkinson. Quatre ans avant leur titre de champions du monde, ils ont pris des branlées en tournée avec la même équipe. Ce n’est pas pour ça que Wilkinson a été viré. Cette équipe elle est montée, et en 2003 elle a fracassé tout le monde. Et c’est la même équipe qui prenait soixante points trois ans avant ! Il est là le problème. Et l’autre référence que je donne dans ces cas-là, c’est la charnière de l’Écosse. Laidlaw et Russell, j’aimerais que l’on me dise combien de matches a gagné l’Écosse ces cinq dernières années ? Pas beaucoup. Et puis maintenant, avec Hogg également à l’arrière notamment, cette équipe quand elle est complète, elle est au-dessus de nous. 

Lire aussi : « Pris pour des cons », « Picamoles, l’homme invisible »… Richard Dourthe dézingue le XV de France

Vous feriez confiance aux jeunes dès aujourd’hui donc ?

L’équipe qui me plaît énormément depuis le début du Tournoi. J’aurais mis Dupont, Carbonel, Ntamack, Fickou, Penaud, Ramos, et à l’aile droite… Grosso, n’importe, il y en a beaucoup en France. Et tu les prends, tu leur dis : « Messieurs, je vous ai choisis à vous, j’ai confiance en vous. Ne vous posez pas de question. Pendant trois ans, c’est vous qui jouez. Ne jouez pas avec la peur au ventre. Sauf blessure, sauf grosse méforme, ce sont vous les titulaires. Lâchez-vous et faites-vous plaisir bordel ». Et dans quatre ans, à la prochaine Coupe du monde, tu les reprends avec quarante sélections chacun, ce n’est pas la même chose ! Mais en France, on ne sait pas faire ça. Je me fous qu’on ne se qualifie pas pour la Coupe du monde cette année. Mais tu le dis haut et fort. Tu le dis que tu as une équipe en formation et que ton objectif c’est 2023.

Je suis persuadé que l’on va arriver à la Coupe du monde avec des mecs qui ont encore une ou deux sélections

Rappeler certains joueurs en équipe de France est-elle donc purement et simplement une perte de temps ?

D.C : Mais bien sûr que c’est une perte de temps. On m’a dit que contre l’Angleterre, Brunel remet Bastareaud et je ne sais qui d’autres pour ne pas en prendre cinquante. Super, on en a pris quarante-quatre. C’est un truc de débile. Au début du Tournoi on ne le prend pas, deux matches plus tard il est indispensable. Je prends Mathieu comme j’en prendrais d’autres. Il faut accepter de perdre et se mettre à former ! Et je préviens tout le monde. Parce que contre l’Angleterre, tu n’en aurais pas pris davantage avec une équipe de jeunes. Moi je crains une vraie branlée à la Coupe du monde 2019. On est capable de ne pas se qualifier et de perdre contre l’Angleterre et l’Argentine en phase de poules. Et encore une fois, prépare les mecs pendant ces matches du Tournoi. Fait les jouer, qu’ils acquièrent un peu d’expérience. Je suis persuadé que l’on va arriver à la Coupe du monde avec des mecs qui ont encore une ou deux sélections. 

Lire aussi : Imbernon : « Il faut arrêter de regarder les stats et mes couilles. Il faut foutre le balustron et voilà »

Ce manque de stabilité et de projet sur le long terme était-il déjà présent à votre époque ?

D.C : Quand j’étais international sous Jacques Fouroux, je manquais une touche, j’étais viré. On gagne au pays de Galles, je manque une touche je suis sorti. Et puis quinze jours après je reviens. Ça vaut rien ça. Et ce raisonnement à la française a toujours existé ! C’est très simple. Vous regardez le nombre de sélections de tous les ouvreurs qui ont participé à la Coupe du monde. Comme à mon époque, le Néo-Zélandais Fox, l’Australien Lynagh, l’Écossais Rutherford… tous, il n’y en a pas un qui est différent, quand ils arrivent en Coupe du monde, même dans les éditions suivantes, ils ont tous 80, 90 sélections. Et nous, on arrive à 30, 35 au mieux. Pourquoi ? Parce que chaque fois que l’on perdait un match, la paire de demis était virée. C’était tout le temps comme ça. Je me rappelle du Tournoi 1983. On gagne en Angleterre, je me pète l’épaule. Me remplace Delage, le match d’après Viviès, et le suivant je reviens. Trois ouvreurs en quatre matches. Et c’est toujours comme ça, au moins depuis mon époque. Et personne ne se dit à un moment : « Non, je ne vais pas faire comme ça ».

En Italie ? La France peut ne pas gagner…

Faire appel à un sélectionneur étranger pourrait-il être une alternative ?

D.C : Pourquoi pas. Mais je ne sais pas si on est prêt pour ça.

Pour revenir à l’actualité, les Bleus peuvent-ils perdre en Italie ?

D.C : Oui, même si je pense que l’on ne perdra pas. On est quand même au-dessus de l’Italie. Mais sur un match, tout est possible. L’Italie jouera à la maison, ce sera le dernier match en sélection de Parisse à domicile. C’est une équipe qui a encaissé le bonus offensif sur chaque match, mais qui n’a rien lâché de tout le Tournoi… Et contre nous, c’est particulier. On est des Latins. Ils peuvent nous croquer, ils l’ont déjà fait. La France peut ne pas gagner. 


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