
Pourquoi les professeurs corrigent leur copie à l’encre rouge ? (©Illustration/Adobe Stock)
Vous avez toujours été traumatisé par les ratures rouges de vos professeurs sur vos copies ? Vous n’êtes pas les seuls !
Une étude américaine*, menée par Richard L.Dukes sur 199 étudiants, démontre que le choix de la couleur de la correction peut influencer la relation élève/professeur. Les critiques et commentaires seraient mieux digérés, et décrits comme constructifs, dès lors qu’ils sont inscrits au stylo bleu.
Le vert pour l’élève, le rouge pour le professeur
Mais alors pourquoi les professeurs et les enseignants continuent d’utiliser cette encre rouge qui fait mal aux yeux ? D’où vient cette habitude ? Pour Corinne**, 59 ans, professeur d’économie à Caen (Calvados), c’est très simple :
Je corrige au stylo rouge par habitude depuis l’école primaire, où on utilisait la couleur verte pour l’élève, la couleur rouge pour le professeur. Le rouge, c’est aussi plus visible.
L’habitude d’utiliser le stylo rouge pour mettre en avant une phrase dans un corps de texte remonte à très loin. Au Moyen-âge, les moines copistes passaient la plupart de leur temps à recopier des livres à la main car l’imprimerie n’existait pas encore. Ainsi, ils utilisaient l’encre rouge pour mettre en valeur les titres ou certains passages.
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Associé à la « correction-sanction »
Cependant, de nombreux professeurs et enseignants remettent en cause l’utilisation de cette couleur.
« Au début, je ne voulais pas en utiliser et j’ai choisi une autre couleur car le rouge est très associé à la « correction-sanction », raconte Laurie**, 31 ans, enseignante à Lisieux. Maintenant je prends le rouge car les autres enseignants utilisent cette couleur de manière générale et je veux pas qu’il y ait de transitions trop brutales pour mes élèves lors des changements de classe. »
Mais pour elle, ce n’est pas vraiment la couleur le problème, « mais plutôt comment on utilise la correction et ce qu’elle apporte réellement aux élèves pour leur permettre de progresser » :
La correction est associée à l’erreur, qui elle, est associée à l’échec dans la tête des élèves du fait des pratiques pédagogiques en vigueur depuis des lustres. Si l’erreur était vécue et enseignée comme un moyen ou une étape pour apprendre, notamment en apprenant à se corriger derrière, le rouge n’aurait peut-être pas une connotation aussi négative pour les élèves et les parents.
Éloïse**, 29 ans, une enseignante de Seine-Maritime, a décidé d’utiliser des stylos à l’encre orange ou violette pour ses corrections. « Le rouge, c’est tout de suite la peur de l’erreur, alors qu’il faut valoriser les erreurs des élèves. C’est grâce à elles qu’ils apprennent. »
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Le rouge, à bannir ?
Cependant, en CM2, « certains ont besoin que l’on utilise le rouge pour s’habituer au collège », souligne Éloïse. Anne**, 63 ans, une professeure à l’IUT de Caen, n’utilise jamais de stylo rouge :
Je ne corrige jamais en rouge. En bleu turquoise, mauve, et beaucoup au crayon à papier… L’idée est que le commentaire aboutit à une réécriture donc une amélioration.
S’il s’agit de changer de couleur d’encre pour que tout le monde se sente mieux à l’école, il ne faut pas s’en priver !
*Richard L. Dukes, Heather Albanesi Seeing red: Quality of an essay, color of the grading pen, and student reactions to the grading process, The Social Science Journal, 23 October 2012
**Prénoms d’emprunt. Les enseignants et les professeurs n’ont pas le droit de parler en leur nom aux journalistes.