
Le Coouesnon, à son arrivée au moulin de Rimou (à gauche).
Respecter le droit d’un propriétaire d’un moulin tout en préservant l’intérêt collectif et un élément de patrimoine naturel, le Couesnon en l’occurrence. C’est tout le sel du dossier arrivé il y a quelques mois sur le bureau du sous-préfet de Fougères-Vitré, Richard-Daniel Boisson. Un dossier transmis sagement par le maire de Rimou, Nicole Pairé, au représentant de l’Etat car il met en jeu aussi des services publics, comme la direction des territoires et de la mer, sur fond aussi de conflits entre habitants de la commune.
Nous sommes à Rimou, jolie commune du pays d’Antrain dont le centre bourg est traversé par le Couesnon. Emblématique du pays de Fougères, la rivière y joua longtemps un rôle économique, à l’exemple des deux moulins qui y subsistent. L’un, en aval du bourg à Quincampoix, est toujours utilisé pour produire de la farine. L’autre, dont la création remonterait au XIXe siècle, est depuis longtemps une simple maison d’habitation. Il y a quelques années, il a été racheté par Gary et Lucy Neal, deux citoyens britanniques.
Fin 2017 ces derniers ont entrepris des aménagements et envisagent de produire de l’électricité à partir de l’eau du Couesnon. Ils ont ainsi la possibilité d’intervenir sur les vannes barrant le Couesnon (elles leur appartiennent), pour dévier sensiblement le courant vers le moulin.
Prairies inondées
Sauf que l’action sur les vannes a pour effet de freiner le courant de l’ensemble du Couesnon. On imagine les conséquences en amont, où le niveau de l’eau augmente sensiblement. Le Couesnon sort de son lit, inondant des prairies exploitées par deux agriculteurs et une propriété voisine. Le réseau de rejet de la station d’épuration de Rimou lui-même se retrouve sous l’eau.
Pour Michel Romé, le plus proche voisin du moulin, « les risques d’envasement sont importants ». Lui même est en conflit avec les propriétaires du moulin, au sujet du bief qui l’alimente et de ses berges. « L’idée de privatiser sur près de cent mètres un fleuve comme le Couesnon me semble assez saugrenue » a-t-il écrit récemment aux élus rimois. Il dit « attendre les décisions des services de l’Etat qui sont chargés de définir les biefs et les rivières ».
Un impact deux kilomètres en amont
Les pêcheurs aussi sont concernés : « l’action sur les vannes rehausse le niveau du Couesnon de 70 à 80 cm. Du coup la rivière est impactée sur deux kilomètres en amont du moulin », a mesuré Richard Pellerin, technicien à la fédération départementale. C’est mécanique : « l’écoulement du Couesnon est uniformisé, la rivière est moins vivante, l’eau moins oxygénée et plus chaude. Le milieu se trouve moins riche ». Dommage pour les truites et les saumons, que les pêcheurs ont réussi à faire revenir dans le Couesnon après des décennies d’efforts.
« Le milieu aquatique est modifié. Des aménagements ont été réalisés avec la Gaule fougeraie et la Gaule antrainaise, une alternance de radiers, de zones d’eau courante, de zones où l’eau est plus profonde. Tout est remis en cause » poursuit Richard Pellerin. Les pêcheurs sont sensibles aussi aux possibilités de remontée des saumons en amont de la rivière, au titre de la « continuité écologique » des cours d’eau. Une remontée qui peut peut être perturbée, malgré l’aménagement de passes à poissons.
Bref, les temps sont à la négociation. Trois réunions se sont déjà tenues à Rimou (dont une visite sur le terrain), en présence du sous-préfet. « Il y a des avancées, mais elles se font petit pas à petit pas » convient Richard-Daniel Boisson, qui a mis jusqu’à trente personnes autour de la table pour trouver des solutions.
Trouver un point d’équilibre
La direction des territoires et de la mer a donné des prérogatives, comme la baisse du niveau de l’eau. « Nous souhaitons qu’il y ait une personne pour actionner les vannes à tout moment, si besoin. Nous réfléchissons aussi avec les propriétaires à l’installation d’un système automatique de lever des vannes, pour libérer de l’eau lorsque le niveau est trop élevé, à la suite de grosses précipitations par exemple » décrit le sous-préfet.
Dans cette affaire, le représentant de l’Etat continuera à avancer pas à pas. Mais « les intérêts sont complètements différents les uns des autres. Mon rôle est de trouver un point d’équilibre entre ces intérêts… » Une nouvelle réunion pourrait se tenir en février.
Contactés par la rédaction de La Chronique, les propriétaires du moulin n’ont pas souhaité s’exprimer.