
Les « Pisseurs » caennais ont tous révélé des taux d’intoxication supérieurs à la norme tolérée par un organisme européen. (©DR)
Le 2 février 2019, à 6h du matin, devant huissiers, une centaine de normands, de Caen (Calvados), Evreux (Eure) et Avranches (Manche) ont prélevé leurs urines pour les envoyer à un laboratoire d’analyse indépendant en Allemagne.
Les résultats sont tombés lundi 25 février 2019. Implacables !
100% de porteurs du pesticide
Trois semaines plus tard, les analyses ont rendu leur verdict. Implacables. Tous les testeurs sans exception sont porteurs de traces de glyphosate dans des mesures supérieures aux normes acceptées par l’EFSA (agence européenne de sécurité alimentaire).
Un organisme qui par ailleurs ne peut être taxé d’être « anti glyphosate » au point de remettre en cause le rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a classé cancérogène la substance présente dans les pesticides, en s’appuyant notamment sur des études menées par Monsanto, géant de l’agro-chimie et fabricant du Roundup dont l’usage est interdit pour les particuliers.
Alors que l’EFSA n’autorise pas la présence de plus de 0,1 nanogramme de glyphosate par millilitre dans l’eau de consommation, les résultats des « pisseurs » normands sont tous supérieurs à cette norme.
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Jusqu’à quatre fois la norme dans le Calvados
Dans le département du Calvados, les résultats des analyses parvenus aux testeurs sont à minima de 0,15 ng pour le plus faible, soit 0,05 ng de plus que la norme tolérée, et de 3,91 ng (soit près de quatre fois la norme) pour le plus élevé. La moyenne des résultats pour les testeurs du département s’élève à 1,13 mg.
Dans l’Eure, les « pisseurs » d’Evreux affichent un résultat minimum à 0,52 ng pour un maximum à 2,50 ng et une moyenne à 1,19 ng.
Des profils testés différents
Les testeurs volontaires normands ont des profils d’âge et d’habitat différents. Des enfants, des adultes dans la force de l’age, des personnes âgées, des hommes de femmes, résidents en ville ou à la campagne, ont ainsi participé à l’analyse. Motivés, ils ont tous financé eux-mêmes le coût de l’analyse.
L’objectif de ces « Pisseurs Involontaires de Glyphosate » ? Faire la preuve que même en observant une stricte hygiène de vie, même en s’efforçant de manger bio, les organismes sont exposés au pesticide présent partout dans la vie quotidienne. On en trouve dans l’alimentation, dans l’eau du robinet, dans les eaux de baignade et même dans l’air que l’on respire.
Les Normands plus intoxiqués que la moyenne des testeurs en France
Même si les premiers résultats révélés lundi 25 février 2019 doivent encore être étudiés dans le détail, il est avéré que les testeurs normands révèlent des taux d’intoxication supérieurs aux résultats déjà connus à l’échelle nationale.
En France, 761 résultats sont déjà connus pour une moyenne établie à 1,06 mg.
La Normandie est-elle donc plus polluée que d’autres régions de France ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Pour autant, les résultats enregistrés sont incontestablement supérieurs à la moyenne nationale, et nettement supérieurs à la norme admise par l’EFSA.
Plainte pour « tromperie, mise en danger et atteinte à l’environnement »
L’action initiée en Normandie par le Mouvement des Coquelicots, en écho à la mobilisation des Faucheurs de l’Ariège lancée depuis juin 2018 pour dénoncer l’autorisation de l’usage du glyphosate en agriculture alors qu’il est désormais interdit pour les particuliers, devrait se poursuivre par une action en justice.
En engageant une action collective en justice, l’idée est de mettre l’Etat devant ses responsabilités… indique la Conseillère Régionale Ecologiste Caroline Amiel qui a participé à l’organisation des analyses dans le Calvados.
Les « testeurs pisseurs » du Calvados viendront témoigner vendredi 1er mars au rendez-vous habituel des Coquelicots Place Bouchard à Caen à partir de 18h30.
Le Professeur Gilles Séralini qui a mené d’importantes recherches autour du Roundup et engagé une bataille face à Monsanto, sera présent pour les soutenir dans leur action. Une plainte doit être déposer pour « tromperie aggravée, mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement » dans les semaines à venir.
Une seconde vague d’analyses aura lieu le 1er Mars à Rouen, au Havre, à Granville et à Hemevez dans le nord Cotentin.
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