![Pierre Izard nous a accordé une interview dans laquelle il retrace plus de 50 ans de vie politique à Villefranche-de-Lauragais.]()
Pierre Izard nous a accordé une interview dans laquelle il retrace plus de 50 ans de vie politique à Villefranche-de-Lauragais. (©VDML – M.P.)
Souvenirs, anecdotes, regrets, fiertés mais aussi analyses… Pierre Izard, maire de Villefranche-de-Lauragais de 1971 à 2001, adjoint au maire puis conseiller municipal depuis cette échéance mais aussi ancien président du conseil général, fondateur de syndicat intercommunal, de l’ex-communauté de communes Cap Lauragais, actuel président du centre de gestion de la fonction publique territorial ou encore du syndicat départemental d’électricité… – et la liste est encore longue ! – se confie quant à sa décision de prendre sa retraite politique. Interview.
Vous n’êtes pas candidat pour les Municipales à Villefranche-de-Lauragais. Du coup, vous arrêtez votre carrière politique ?
En effet, en n’étant pas élu au conseil municipal j’arrête toutes mes fonctions. À mon âge, j’estime qu’il faut savoir laisser la place. Et je prône un renouvellement des instances par la jeunesse. C’est d’ailleurs une des raisons qui fait que j’apporte tout mon soutien à Valérie Roudet et ses colistiers pour ces élections.
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Donc vous soutenez la liste « Pour Villefranche, pour vous », menée par Valérie Roudet ?
En effet. Valérie est à la fois nouvelle et expérimentée. Il y a aussi le fait que ce soit une femme et je suis heureux, fier et content de participer à la promotion de la femme. C’est presque mon rôle de vétéran de montrer que les femmes sont aussi compétentes que les hommes. Je trouverai dommage que l’on vote pour un homme simplement pour ne pas voter pour une femme. Ensuite, il faut reconnaître qu’elle n’est pas âgée mais déjà très expérimentée par ses fonctions de conseillère municipale puis d’adjointe au maire. Valérie a rapidement appris et a su démonter ses qualités ainsi que son attachement à Villefranche. En étant à ses côtés durant toutes ces années au conseil municipal, je me suis aperçu qu’elle est très intéressée et investie et en même temps, elle a pu se plonger dans la vie associative. Elle a fait ses preuves, bravo ! Et puis il y a aussi le fait qu’elle défend les mêmes valeurs que moi : la justice, le lien social, la lutte contre la pauvreté – cette notion de fossé entre les plus riches et les plus pauvres. C’est la même chose à Avignonet-Lauragais pour Isabelle Haybrard Danieli. C’est un peu philosophique comme soutien mais il est vrai que je suis heureux qu’il y ait des femmes en politique.
Vous avez été élu pendant près de 50 ans à Villefranche-de-Lauragais. Quelles sont vos plus grandes fiertés ?
En tant que maire, je suis content d’avoir participé à la modernisation de Villefranche, à son augmentation de population, à améliorer la qualité de vie… Mais, il y a deux réalisations que j’ai pu pousser, au niveau économique et sociologique et qui me satisfont presque. La première, c’est d’avoir réussi à imposer, au moment de la création de l’A61, l’installation de l’échangeur autoroutier à Villefranche. Et la seconde, c’est la reconnaissance de Villefranche comme centre du Lauragais a travers l’obtention auprès de la Région, et tout particulièrement de Martin Malvy, de la construction d’un lycée à Villefranche.
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On sent bien que Villefranche est pour vous quelque chose d’important…
Je suis né à Villefranche et je mourrai à Villefranche. J’ai un attachement à cette commune qui est viscéral. J’ai passé près de 50 ans au service des Villefranchois, c’était un plaisir et c’était surtout quelque chose de naturel. Mon père était médecin à Villefranche. Dès que j’ai été en première année de médecine, mon père répondait aux gens qui venaient le voir en consultation » Ne t’inquiète pas, Pierrot s’occupera de toi ». Alors je me suis occupé des Villefranchois. Ça n’a pas été une charge mais un plaisir. Et puis il faut avouer que j’avais leur reconnaissance et leur confiance. La première année où je n’ai plus eu d’examens de médecine à passer, j’ai eu mes premières élections. Quand j’ai été élu la première fois, je me rappelle que les gens m’ont transporté sur leurs épaules dans la grand-rue et ont dit : »maintenant, tu es à notre service. » Ensuite, j’ai passé 30 ans à être élu au premier tour. En fait, j’ai un attachement inévitable avec plusieurs générations de Villefranchois.
En 50 ans de politique à Villefranche quelles sont les choses qui vous ont « chagriné » ?
Quand on est un homme politique, on est chagriné… Mais je n’ai pas vraiment de regrets… Je ne sais pas quoi vous répondre… Mais je pense que je peux parler du fait que nous avons l’avantage et l’inconvénient d’être proche de Toulouse. L’expansion économique de Villefranche est basée inévitablement sur l’artisanat plus que sur la grosse industrie. Alors je crois qu’il y a une chose qui m’a inquiété en effet et qui m’inquiète toujours : Nous n’avons pas la puissance de feu pour supporter trop de grandes surfaces. Il y en a une de trop. Cela s’est fait au détriment de la rue de la République, ce que je déplore. Aujourd’hui, je suis inquiet de voir le centre-ville perdre de sa vitalité. Ce petit supermarché qui faisait qu’il y avait du monde en centre-ville le dimanche a fermé et c’est bien dommage. La vie commerciale du centre-ville était importante avant tout cela. Et elle ne l’est plus… Cette fermeture a découlé de l’ouverture d’une grande surface, contre les avis du maire et d’élus locaux, dont je faisais partie. Cela a été un coup grave pour la vie économique de Villefranche. Je me suis attaché à essayer de garder le plus possible les équipements publics : la perception, EDF…. Notre zone d’activité commerciale est remplie, la zone artisanale est remplie. Les médecins, ça marche bien, l’Ehpad aussi est très bien… J’ai tout fait pour favoriser l’implantation d’installations médicales et paramédicales mais il y a encore des choses à faire. Mais au niveau commercial, il y a eu une erreur profonde. Je reviens d’ailleurs un peu sur le lycée. Il a donné une nouvelle dimension à tout le Lauragais, pas qu’à Villefranche. Et avec une implantation dans le canton, d’une population plus jeune. Avant, dans le canton, on disait : »Je suis à la retraite, je quitte mon village pour m’installer à Villefranche et me rapprocher des médecins et des pharmacies ». Aujourd’hui, on touche en plus de cela, plus de familles et donc une population beaucoup plus jeune. Et ça vaut pour le canton. Vous vous rendez compte la chance de pouvoir faire sa scolarité près de chez soi jusqu’au bac ?
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Comment imagineriez-vous Villefranche dans 50 ans soit 100 ans après votre première élection ?
Tout d’abord on va arriver à saturation. Parce que Villefranche, c’est 900 hectares et que nous n’avons plus beaucoup de terrains disponibles pour construire des lotissements et que nous n’avons quasiment plus d’agriculture sur la commune. Nous allons donc devenir plus que jamais un peu la banlieue toulousaine. Si ce n’est que nous avons peut-être négligé quelque chose au niveau départemental. Nous avons une industrie monolithique – qu’est l’aérospatiale – que nous n’avons pas su, que nous n’avons pas pu ou que nous n’avons pas réussi à diversifier. Il y a aussi, sur le plan de l’emploi, la troisième catégorie, c’est-à-dire les hôpitaux. Ou encore le conseil général… Mais nous n’avons pas diversifié assez l’industrie, sur le plan départemental…
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Scission à Terres du Lauragais. Le point de vue de Pierre Izard
Trois ans après la création de Terres du Lauragais, nous avons demandé à Pierre Izard, vice-président, ce qu’il pensait de cette fusion des ex-communautés de communes Cœur Lauragais, CoLaurSud et Cap Lauragais.
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« J’avais créé le Sivom et ensuite Cap Lauragais, des intercommunalités à taille humaine », explique tout d’abord Pierre Izard. Et son plus gros regret aura donc sûrement été le fait que cette fusion ait été imposée :
«J’étais réticent car cela a été lancé sans concertation, sans dialogue et sans coopération et a abouti à une fusion imposée pour de plus grandes intercommunalités. La dernière consultation, s’est faite dans un mauvais climat. Trop vite, sans étudier les choses et dans la précipitation. Et c’est un échec. Même sur le plan départemental, surtout avec la main mise de la Métropole et le fait que le Département lui-même est haché menu.
Et ses craintes d’hier sont même encore plus fortes aujourd’hui. Il poursuit :
Malheureusement, je reste persuadé qu’après les Municipales, ça ira encore au-delà, que Macron va imposer des regroupements de communautés de communes avec 80 000 voire 100 000 habitants. Aujourd’hui, l’intercommunalité n’a plus de taille humaine. Inévitablement on travaille mal. Cela s’est fait à marche forcée, ça va trop vite, il n’y a pas de réflexion générale.
Et le souhait de certains élus de quitter Terres du Lauragais est, pour le vice-président, quelque chose d’entendable :
Je comprends la rancœur, la colère et le désir de sortie de l’intercommunalité de cette vingtaine de maires. Il faut accepter l’idée que nous revenions à des regroupements à taille humaine qui prennent en compte le fait de travailler ensemble dans la concertation et non à marche forcée.