![La désertification médicale, une problématique au coeur des préoccupations des Alençonnais.]()
La désertification médicale, une problématique au coeur des préoccupations des Alençonnais. (©DR)
Yves Cortès
Être incitatif pour accueillir les professionnels libéraux. À savoir, construire un pôle santé au sein de l’hôpital, ou à l’extérieur, pour y accueillir, dans le cadre d’économie d’échelle des professionnels de santé qui en plus pourraient mutualiser et coopérer entre eux. Une incitation locative et ou fiscale pourrait être un bon complément. Des généralistes qui manquent également à Alencon pourraient également bénéficier de cette structure. Cela a été fait ailleurs, notamment à Pré en pail. Pourquoi cela n’a t’il pas été fait avant ?
Emmanuel Darcissac
L’accès à la santé pour tous est une priorité majeure. La baisse de la démographie médicale depuis plusieurs années sur notre territoire, comme sur beaucoup d’autres, est avérée. En 2017, 3 500 habitants d’Alençon n’avaient pas de médecin traitant dont 400 en affection-de longue durée. En 2018, le nombre de généralistes était de 25, 14 avaient 60 ans et plus et 5 de 55 à 59 ans. Face à cette urgence, j’ai créé dès 2018 les Assises de la Santé afin de réunir les acteurs de la santé et les habitants pour proposer collectivement des solutions. Un préambule nécessaire, avant de porter le projet ambitieux du Centre municipal de Santé.
Ce premier centre municipal de Normandie, que nous avons ouvert en moins d’un an, accueille depuis novembre 2019 déjà plus de 1000 patients qui n’avaient pas de médecin traitant. Nous avons réussi à faire venir 4 nouveaux médecins à Alençon qui sont salariés par la Ville. C’est une première réponse, il faut la développer. Un centre municipal de santé peut aussi salarier des spécialistes. Demain, avec la CUA, 2 pôles de santé libéraux seront construits sur Alençon, à Perseigne et dans le centre-ville, pour permettre d’accueillir de nouveaux médecins généralistes libéraux mais aussi spécialistes. Le centre hospitalier d’Alençon mène également un important chantier de modernisation, 4 millions d’euros viennent d’être investis dans un nouveau service de réanimation à la pointe de la technologie. Il faut poursuivre cet effort en particulier par la modernisation du bloc opératoire et des urgences pour lesquelles l’ARS a déjà débloqué 1 Million d’euros. La construction d’un nouvel hôpital est aussi un objectif majeur. D’un coût estimé de 150 à 200 millions d’euros, ce projet au long court, s’il venait à être retenu et validé par les nombreuses instances concernées, s’étalerait sur une durée de 10 à 15 ans. Je défends pied à pied notre hôpital auprès de la ministre de la Santé.
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Sophie Douvry
L’accès aux soins avec la désertification médicale est une préoccupation majeure des Alençonnais, des Ornais et, plus largement, d’une grande majorité de la population française. Si cette question ne devrait pas être posée à un candidat à une mairie, elle prend tout son sens en ce moment. Cette question relève de l’Etat qui, une nouvelle fois, reporte son inaction sur les collectivités locales sans compenser financièrement. Alençon n’est pas un cas isolé. Les médecins spécialistes manquent dans de nombreuses villes. Alors les élus de proximité, sur le terrain, cherchent des solutions.
Quelles sont celles qui s’offrent à un maire sans pouvoir agir sur le numerus clausus, … ?
Attirer un médecin spécialiste c’est lui donner envie de venir vivre à Alençon, avec sa famille. Il est nécessaire d’offrir un cadre de vie agréable, avec des services, des commerces, l’accès à la culture, un emploi éventuel pour sa ou son conjoint et des perspectives de formation pour ses enfants.
Je ferai d’Alençon une ville attractive et je propose à court terme : 5 % en moins sur la part communale de la taxe foncière pour faciliter l’installation ; avec la création d’un guichet économique unique, rendre efficace l’installation d’un cabinet et la recherche d’emploi pour un conjoint ; un environnement durable pour la famille (circuits courts pour les cantines, végétaliser la ville dès les premiers mois et installer des ruches par exemple) ; promouvoir partout en France qu’Alençon est une ville positive : les avantages d’une préfecture au cœur d’une campagne boisée à découvrir.
A moyen terme : un nouveau théâtre et un axe culturel et sportif en accord avec la place d’Alençon en tant que Préfecture (grand complexe sportif, université du sport, festival international…) ; un centre-ville attractif, plaisant et dynamique avec un travail en coopération avec les commerçants.
Mais c’est aussi proposer d’accueillir les praticiens dans un nouvel hôpital en synergie avec la clinique. Les oppositions privé-public n’ont plus lieu d’être, aujourd’hui, tous l’ont compris et doivent travailler de concert pour satisfaire les patients, sauver leur outil de travail et investir ensemble.
Des solutions proposées par le Conseil départemental avec le centre départemental de santé, par la ville également, pour la médecine générale, commencent à porter leurs fruits. Nous devons continuer à proposer des solutions innovantes pour attirer les médecins et les développer vers les spécialistes. Cela se fera si les solutions sont cherchées, ensemble.
Peut-être peut-on aussi proposer des bourses aux étudiants en médecine souhaitant se spécialiser en contrepartie d’une obligation d’exercer à Alençon pendant quelques années, accompagner l’installation comme on le fait pour les commerçants et favoriser l’emploi du conjoint.
Aucune piste ne peut être écartée et les nouvelles technologies doivent être suivies de près, comme le développement de la télémédecine.
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Pascal Mesnil
Nous pensons qu’il n’y a pas de solution « municipale » à court terme au délai d’attente d’un spécialiste. Il est vain de penser que l’on attirera des médecins pour reproduire la médecine libérale d’hier.
En règle générale, si le médecin généraliste considère que le rendez-vous est urgent, il appelle ou fait appeler par sa secrétaire pour avoir une réponse.
Dans ce cadre, développer les consultations en secteur hospitalier (service public) semble le mieux répondre aux besoins d’Alençon au regard du profil de sa population : âge, chronicité des affections. Actuellement, les consultations de dermatologie vont dans ce sens et prévoit une collaboration avec la médecine de ville. Le partenariat en cancérologie et hématologie, médecine interne, à l’hôpital va dans le même sens.
Développer des partenariats avec les centres hospitaliers plus importants se fait déjà pour la cardiologie avec Caen, la cancérologie avec Le Mans. Il faudrait donc les conforter.
Nous proposons aussi de réfléchir à la création d’un plateau de consultation en privé au Centre Municipal de Santé (CMS) pour les spécialités cliniques. Mais embaucher un spécialiste est difficile et coûte cher car il faut souvent un plateau technique. On pourrait mettre en place des conventions avec des créneaux réservés aux patients dans un délai raisonnable et des créneaux d’urgence (dermatologie, ophtalmologie). On peut aussi imaginer la présence d’un rétinologue pour orienter ensuite les patients vers l’ophtalmologue.
Dans le cas particulier de l’ophtalmologie, une convention entre un orthoptiste et un ophtalmologue pour mesurer la vision peut permettre d’espacer les demandes de rendez-vous. Mais ces derniers ne sont pas forcément prêts et/ou d’accord et certaines pathologies risquent d’échapper à un diagnostic précoce.
Dans l’avenir, la mise en place de communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) prévoit qu’il n’y ait plus un patient sans médecin traitant mais aussi qu’on puisse répondre à des soins non programmés (petites urgences) et aux besoins de prévention. Cette organisation par les professionnels de santé pourrait aboutir à des parcours de soins pertinents. En effet beaucoup de consultation de spécialistes qui devraient être du ressort du généraliste court-circuite ce premier niveau de soin (parfois par l’absence de médecin traitant).
Le volet prévention ne doit pas être négligé, des ateliers ville santé doivent être mis en œuvre afin de lier la santé à l’alimentation et à l’environnement dont on sous-estime trop souvent l’impact sanitaire.
Pour finir, il est certain que la solution est aussi nationale et passe par l’obligation de pratiquer un certain nombre d’années dans les zones sous tension.
Nous pensons que le développement de la consultation numérique à distance ne doit pas être prioritaire. La télé expertise peut-être intéressante mais rien ne remplace un examen clinique en présentiel, le patient n’est pas toujours en mesure de décrire vraiment ses symptômes. En outre, cela comporte le risque d’amplifier la désertification.
Devant cette carence médicale d’ensemble, tous les acteurs de la santé devront travailler de concert afin de trouver des solutions pour nos concitoyens.
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Joaquim Pueyo
La communauté urbaine d’Alençon avec le concours de la ville va construire au cours de l’année 2020 un Pôle de santé libéral ambulatoire sur deux sites (centre-ville et Perseigne ) qui aura vocation à installer des médecins généralistes et accueillir des consultations de spécialistes, sans compter les importantes initiatives du Conseil départemental de l’Orne. Par ailleurs des projets privés ont été mis en place pour y accueillir des médecins spécialistes. Toutes ces initiatives contribuent à accroître le nombre de consultations. Il faut également louer le centre hospitalier intercommunal Alençon- Mamers et la clinique Saint-Joseph pour leurs actions déterminantes dans ce domaine.
La télémedecine peut répondre dans certains cas à cette problématique . Cette nouvelle technologie de l’information et de la communication doit se déployer sur les structures accueillant des médecins comme le centre municipal de santé, le centre départemental de santé le PSLA mais également sur d’autres lieux publics comme les EPHAD ou les pharmacies . Elle permet une consultation à distance par un médecin généraliste ou spécialiste par vidéotransmission avec le patient.
La collectivité, dans le cadre d’un dialogue avec tous les partenaires, devrait intervenir pour accompagner le déploiement de ce dispositif qui, cependant ne remplacera pas la pratique médicale classique.
Toute cette démarche en faveur du parcours de soins nécessite de la coordination. Aussi, je proposerai de mettre en place un Conseil Local de Santé en lien avec l’Agence régional de santé de Normandie qui serait une instance de concertation à l’échelle de la ville et de la communauté urbaine d’Alençon regroupant les partenaires de différents secteurs (soin, prévention, social, insertion).
Olivier Toussaint
Si la santé n’est pas directement une compétence municipale, elle doit être l’un des engagements majeurs du mandat. La situation du nombre de médecins spécialistes dans l’Orne et en particulier à Alençon est dramatique. Le département de l’Orne a déjà mis en place des conventions avec le CHU de Caen et la faculté de médecine afin d’accueillir des internes à l’Hôpital d’Alençon. La municipalité devra se mobiliser et agir afin de les convaincre de rester et de s’installer de manière pérenne sur notre territoire après leur internat. Tout comme pour l’économie, le Maire doit être le VRP de sa Ville.
J’ai déjà dit que la réalisation d’un nouvel hôpital ne me semblait pas réalisable en l’état. Mais je me battrai au nom de la Ville et de la Communauté Urbaine, avec le Département et la direction de l’Hôpital afin de poursuivre la rénovation et la modernisation de l’hôpital actuel. Sans cela, il nous sera impossible de faire venir de nouveaux spécialistes.
Nous proposerons à ces nouveaux médecins d’intégrer les pôles de santé libéraux que nous souhaitons remettre au premier plan. En effet, Alençon a souffert de la concurrence stérile entre les collectivités avec la création du pôle de santé municipal qui n’est pas dimensionné pour accueillir des médecins spécialistes et qui n’a fait qu’affaiblir des projets plus globaux qui bénéficiaient de la coopération entre les collectivités et du soutien de l’ARS.
Ces pôles répartis dans plusieurs quartiers de la Ville seront dotés d’une plateforme de prise en rendez-vous en ligne en plus d’un secrétariat classique. Sur cette plateforme, les spécialistes indiqueront leur période de prise de rendez-vous et les Alençonnais pourront s’inscrire librement. Pour celles et ceux qui rencontrent des difficultés avec l’informatique, la Mairie proposera une aide dans l’utilisation de cet outil. Cette plateforme pourra également être ouverte dans un second temps aux rendez-vous à l’Hôpital, à la Clinique mais également aux spécialistes qui souhaiteraient garder leur indépendance. L’objectif est clairement d’accompagner les professionnels et les patients de manière moderne et simplifiée, pas d’usine à gaz.