
Pendant les tempêtes Ciara et Inès, la Seine est sortie de son lit à Rouen (Seine-Maritime) à plusieurs reprises. (©RT / 76actu)
Pendant les tempêtes Inès et Ciara, la Seine est sorti plusieurs fois de son lit. Des maisons inondées ont dû être évacuées et des routes ont été coupées. Mais que se passe-t-il réellement lors de ces inondations ? D’où vient l’eau qui fait déborder le fleuve ? De la mer, de la pluie, des nappes phréatiques ? C’est la question pas si bête du jour.
Cédric Fisson et Jean-Philippe Lemoine, deux chargés de missions pour le Groupement d’intérêt public (GIP) Seine-aval, ont accepté de nous aider à y répondre. Tous deux étudient le fonctionnement de l’estuaire de la Seine, et notamment les phénomènes d’inondation.
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76actu : D’où vient l’eau qui fait déborder la Seine ?
Les débordements observés en Seine lors des pleines mers de ces derniers jours sont dus à la conjonction de plusieurs phénomènes : un débit soutenu de la Seine ( >1200 m3/s à Vernon), de forts coefficients de marée (>100) et un fort vent d’ouest (tempête Ciara, puis Inès). Tous ces facteurs ont engendré un gonflement important de l’estuaire.
Pour bien comprendre d’où vient l’eau qui fait sortir le fleuve de son lit, il faut savoir que le vent de secteur ouest ne permet pas à l’eau, qui rentre dans l’estuaire avec la marée haute, de bien s’écouler vers l’aval quand la marée baisse. En fait, les vents d’ouest engendrent des stockages d’eau dans l’estuaire, contrairement au vent d’est qui facilite l’écoulement de l’eau vers la mer.
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« Une pluie locale ne fera pas déborder la Seine »
Ce n’est pas l’eau de pluie qui fait déborder le fleuve ?
L’eau de pluie fait augmenter le débit de la Seine. Mais il ne faut pas regarder ce phénomène à l’échelle locale. Ce n’est pas seulement la pluie qui est tombée en Normandie, mais aussi et surtout celle qui est tombée sur tout le bassin versant de la Seine, qui peut faire sortir celle-ci de son lit.
De fortes pluies sur l’est parisien pourront par exemple avoir des retentissements à Rouen. Il faut vraiment regarder le phénomène à l’échelle du fleuve dans son ensemble. Une pluie locale ne fera pas déborder la Seine.
Parle-t-on d’inondation ou de crue dans ces cas précis ?
Dans la partie estuarienne de la Seine, soit de Poses à la mer, on parle toujours d’inondation ou de débordement, car ces inondations sont la plupart du temps multifactorielles : vent, marée, débit… Une crue, elle, est due à à la conséquence de précipitations en forte quantité sur un cours d’eau. En Normandie, nous faisons face à la complexité du fonctionnement de l’estuaire.
Les fortes marées et les tempêtes impactent surtout l’embouchure de la Seine, alors que les crues de la Seine auront des répercussions plus fortes en amont de Rouen.
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50 centimètres d’eau sur les quais de Rouen
Les inondations que nous avons vécues avec les tempêtes Inès et Ciara sont-elles exceptionnelles ?
La conjonction de ces trois éléments est assez rare : un débit soutenu de la Seine (> 1 200 m3/s à Vernon), de forts coefficients de marées (>100) et un fort vent d’ouest.
Par exemple à Rouen, le niveau maximum a été atteint dans la nuit du mardi 11 février 2020, avec presque 50 centimètres d’eau sur les quais de Rouen. La période de retour associée à ce niveau est de l’ordre de cinq à dix ans, c’est à dire que pour une année donnée, ce niveau a entre 10 % et 20 % de chance d’être atteint.
Peut-on s’attendre à des inondations plus fréquentes à l’avenir avec le réchauffement climatique ?
Si on se projette en contexte de changement climatique, ce type d’événement intense devrait être plus fréquent, du fait de pics de débits plus importants et d’événements marins extrêmes plus fréquents.
Les études montrent que les débits de la Seine devraient être plus extrêmes : plus faibles en été et plus forts en hiver. Mais pour l’heure, nous avons pas encore assez de recul pour en tirer des conclusions.
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